spacer.png, 0 kB
spacer.png, 0 kB
Mon public c'est la personne qui est à de moi
 
Ce serait un "travail d'artiste" qui passe à la télévision, et à la fois un travail collectif de documentariste.
Je pense qu’il ne suffit pas d’avoir une réflexion sur la télévision sans passer par la question de la diffusion. Il n’y a pas pire que des images dans un tiroir. Les réalisations d’Ovalprojet seront de plusieurs types, du documentaire à la fiction en passant par les clips vidéos. J’aimerais bien travailler aussi avec des images d’archives, et que cette matière soit utilisée de la même manière que la pâte à modeler. Il faut questionner les images, les opposer, les confronter à elles-mêmes.

L'image est donc pour toi un matériau ?

C'est de la peinture (rires). De la peinture qu'on n'a pas encore utilisée, qui n'est pas encore sortie du tube. Depuis que j'ai acheté ma caméra en 1999, je n’ai pas arrêté de tourner des images, au Maroc, en France, aux Etats-Unis, mais elles ne deviendront "mes images" que lorsque je les aurais choisies et montées. Pour moi les images, ce ne sont pas ce qu’on tourne, mais ce qu’on décide de montrer aux autres. L’image est matière, le texte aussi, d’ailleurs, je ne sais pas lire sans stylo. Je souligne, je dessine, je gratte, j’efface même des passages quand je ne suis pas de même avis que l’auteur. Je pense qu'on peut avoir une relation vraiment interactive avec le livre.

Est-ce parce que de cette façon, il devient vraiment tien ?

Effectivement, j'interviens sur le livre d'une façon qui est impossible d'appliquer sur un écran de télévision. J'aimerais, bien lorsque je regarde la télévision, pouvoir arrêter les images, les gratter, les souligner, leur dire "non", les rayer. La télévision ne s'y prête pas car l'image télévisée est inaccessible, elle est faite pour être consommée passivement.

C'est bien ce que tu fais en transformant des romans policiers en "livres d'artiste" ?

Oui, j'y interviens totalement, sans limites. J'y inscris des vignettes sur fond de texte, je les noircis, les articule, les désarticule. Et même lorsque j'y dessine quelque chose, je raye mes propres dessins, c'est un vrai travail plastique. Si le livre ne se fermait pas sur lui-même il aurait pu être une vraie image.

Pour Ovalprojet, opéreras-tu aussi selon ces modes hybrides ?

Ovalprojet cherche les questions qui sont capables de créer des images. Il ne suffit pas d’utiliser des caméras, on est vraiment obligé de poser la question de "l’image de l’immigré" ainsi que "l’image immigrée" passer par différents médiums et techniques, pour arriver à la fabriquer. J'aimerais que l'on travaille au moyen de la pâte à modeler avec les aînés du quartier pour créer quelques documents, puis essayer de les diffuser dans des programmes de télévisions étrangères. Peu importe si ces représentations pourront paraître décalées, la réalité de ce décalage n'est pas grave, c'est même une des choses les plus importantes de ce travail dont nous devrons tenir compte.

Ce serait une "pâte à modeler politique" ?

...Une pâte à modeler politique ou sociale, l'idée est de libérer les images, de faire en sorte que les gens comprennent qu'ils font partie du processus de création de leur propre image. De défendre aussi le droit à leur diffusion. Et ça, c'est le plus grand problème. Il y a des centaines de films d'archives privées qui dorment dans des tiroirs. Des films de famille en super 8 exhumés parfois par des artistes qui les sortent ainsi de l'oubli pour en faire quelque chose. Or, à la télévision, ces images-là ne trouvent aucun accès. Car la télévision n'obéit qu'à des objectifs commerciaux.
Mais ne crains-tu pas de te heurter à ce type de refus ? Et dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux filmer ce refus même.
Dans ce cas-là, l’échec est un résultat, et il faut l’accepter. Après la révolution de l’image, avec l’accessibilité des caméras et des moyens de montages grâce aux ordinateurs, je pense que c’est le moment de penser sérieusement à la diffusion. J’aimerais bien voir des personnes arriver à cette réflexion. Il s'agit d'un vrai combat àmener contre l'institution télévisuelle.
 
 

 

spacer.png, 0 kB
spacer.png, 0 kB

© Mounir FATMI
spacer.png, 0 kB